aveugle.gifPendant de nombreux siècles, l’infirmité a été considérée comme étant « la marque visible d’une faute ou d’une tare morale invisible »(Vivre sans voir : Les aveugles dans la société française, du Moyen Âge au siècle de Louis Braille, Zina Weygand). Il n’est ainsi pas étonnant que le mendiant aveugle ait été un personnage négatif de farces et fabliaux dont la première apparition semblerait être au XIIIème siècle dans une farce intitulée Le Garçon et l’aveugle. Ce personnage de l’aveugle est « suspect de tous les vices : paresse, sottise, vanité, hypocrisie, ivrognerie, passion du jeu, luxure,…»(Vivre sans voir). On va même jusqu’à montrer des spectacles avec de véritables aveugles, traités comme des bêtes de foire.
Parallèlement à cela s’ouvrent des hôpitaux à l’intention des infirmes, auxquels le pouvoir royal a pris part.

1) La fondation des Quinze-Vingts

Louis IX porte une attention toute particulière à la charité royale et sera le premier à montrer la responsabilité de la monarchie face à l’infirmité. Un hôpital est fondé dans la seconde moitié du XIIIème siècle à Paris, destiné à accueillir trois cents aveugles pauvres. Pour cette raison, il est appelé maison des « Quinze-Vingts » et fonctionnera pendant près de trois siècles comme une congrégation. Malgré une rente destinée à la nourriture des aveugles, leur travail principal est la quête, dont le produit est rapporté intégralement à la communauté.
« Cet exercice a renforcé l’association entre cécité et mendicité déjà bien installée dans les pratiques et les mentalités »(Vivre sans voir) .
D’après une loi du 14 juillet 1780, les quêtes seront interdites sous peine d’emprisonnement pour la première infraction et de renvoi en cas de récidive. En compensation, une assistance pécuniaire sera accordée aux aveugles.

2)Maria-Theresia von Paradis (1759-1824) : un des cas particulier de cette époque

Trois aveugles notamment vont recevoir un enseignement particulier : Mélanie de Salignac, une Française (qui sera l’objet de l’Addition à la lettre sur les aveugles de Diderot, ajouté en 1782 à son essai Lettre sur les aveugles à l’usage de ceux qui voient, écrit en 1749); Maria-Theresia von Paradis, une Autrichienne ; Johann-Ludwig Weissenburg, un Allemand.

Maria-Theresia von ParadisMaria-Theresia von Paradis, pour ne prendre que son exemple, apprit à lire grâce à des lettres découpées dans du carton, faites à son intention par le chevalier Wolgang von Kempellen, connu pour ses talents d’inventeur. Il lui fabriqua aussi « une petite presse manuelle […] et une casse d’imprimeur pour lui permettre d’imprimer les lettres qu’elle envoyait à de nombreux correspondants » (Vivre sans voir) . Ses talents de musicienne lui valurent, à l’occasion d’une tournée, un grand succès dans différents pays d’Europe, dont la France. Elle rencontre, durant un séjour dans la ville de Mannheim , Weissenburg qui lui offre des cartes géographiques en relief et des tablettes à calculer.
Ainsi, sa notoriété permit de faire connaître à l’Europe l’intérêt que pouvait présenter la pédagogie tactile pour les aveugles.

3) Valentin Haüy(1745-1822) et l’Institution des aveugles-nés

Valentin HaüyValentin Haüy a sûrement assisté aux séances publiques que donne l’abbé de l’Epée, qui a créé un institut à l’intention des sourds-muets. Peut être cela a-t-il été à la base de sa volonté d’entreprendre « une entreprise collective et méthodique d’insertion des aveugles de toutes les classes de la société » (Vivre sans voir) . A partir de sa rencontre avec Maria-Theresia von Paradis et d’autres aveugles, il s’inspire des procédés qu’ils ont utilisés pour leur apprentissage, pour élaborer un plan général d’institution qu’il présente à la société philanthropique en 1784. Sa pédagogie repose principalement sur les ressources du tact et pour cela, il a fait construire des machines spéciales et des caractères en relief.
Son premier élève est François Le Sueur, qui est issu d’une famille pauvre. Grâce à son intelligence, il fait de rapides progrès et le 18 novembre 1784, alors qu’il a dix huit ans, il donne une séance publique où il montre les résultats et l’efficacité de l’enseignement de V. Haüy. Au début de l’année 1785, la société philanthropique décide d’augmenter le nombre des élèves, qui seront désormais entre douze et dix huit, et confie à Le Sueur, qu’il juge capable de transmettre ses connaissances, une part de l’enseignement.
Portrait de François Le SueurV. Haüy ouvre officiellement une école gratuite le 19 février 1785. « Les élèves de V. Haüy reçoivent tous à égalité un enseignement intellectuel, musical et manuel, dont […] la méthode [est] fondée sur le principe de la suppléance sensorielle » (Vivre sans voir) . Ainsi, en plus de l’enseignement intellectuel, les élèves apprennent à filer, et plus tard, l’imprimerie à l’usage des « clairvoyants ».
Le 26 décembre 1786, une séance publique est organisée à Versailles, devant le roi, durant laquelle les enfants aveugles font divers exercices. Malgré le succès de cette représentation, l’Institution ne devient pas « Institution royale » et ne reçoit donc pas de subvention régulière du Trésor Public. Les exercices publics, qui sont donnés régulièrement, ainsi que les dons, sont à la base de l’augmentation du nombre des élèves, celui-ci restant tout de même assez restreint. Ces exercices publics, ainsi que la participation de l’orchestre, constitué par les jeunes aveugles, à des offices, permettent de convaincre l’élite et une partie de l’opinion publique des capacités intellectuelles et artistiques des aveugles.
Après la nationalisation de l’Institution des sourds-muets le 21 juillet 1791, l’Institution des aveugles-nés l’est à son tour le 28 septembre de la même année. Suite à la réunion des deux institutions V. Haüy est démis de la responsabilité administrative de son établissement pour n’être plus que chargé de l’instruction des aveugles .
Les journées des jeunes travailleurs se passent en grande partie dans un atelier, au grand désespoir de V. Haüy, qui conteste cette décision. Il est démis de sa fonction de premier instituteur le 17 février 1802. Mais très rapidement, on s’aperçoit que les travaux manuels exécutés par les aveugles ne sont pas rentables face à la concurrence, et le nouveau responsable, Paul Seignette, décide de reprendre la fonction première de l’Intitution : l’enseignement, et sauve ainsi l’œuvre de V. Haüy.

Aujourd’hui, une association porte le nom de Valentin Haüy. Elle s’est donnée pour mission d’enseigner le braille et met à la disposition des non-voyants une bibliothèque braille figurant parmi les plus importantes du monde. Cette association propose de nombreux autres services comme le recensement des offres d’emploi qui leur sont destinés.

Association Valentin Haüy: http://www.avh.asso.fr