Les années bonheur

On pensait s’en être débarrassé en 1995, mais après 13 ans de silence, il revient ! Si comme moi, vous avez la chance de ne pas vivre en région parisienne, de n’avoir ni le câble, ni le satellite, ni la TNT, eh bien, vous aurez donc l’impossibilité d’accéder à la nouvelle chaîne de la TNT, IDF1 et son attraction phare : Club Dorothée, le retour. Si comme moi, vous avez passé votre jeunesse devant cette émission ayant fait les beaux jours de TF1, et que vous avez pu développer un regard critique sur cette émission, alors vous vous dites : au secours, il revient !

Le dimanche 4 novembre 2007, dans Vivement Dimanche présenté par Michel Drucker, nous eûmes droit à un moment totalement surréaliste où l’on vit Faustine Bollaert, les larmes dans les yeux, remerciant Dorothée de l’avoir accompagnée vers l’âge adulte. Quelques semaines après, dans Le Grand Direct sur Europe 1, nous eûmes droit à des témoignages tous plus larmoyants les uns que les autres, faisant la part belle aux années Dorothée.

Ne souhaitant pas me joindre à ce concert de louanges, je tiens à apporter un petit bémol, un contre poids salutaire, une opposition réaliste, vis-à-vis de tout ce qu’on a pu dire jusqu’à présent sur Dorothée et sa bande : heureusement que je n’ai pas compté sur elle pour m’accompagner jusqu’à l’âge adulte et que je ne suis pas resté dans cette nostalgie imbécile.

Ce qui peut rendre dingue, c’est de voir comment s’efface dans l’esprit des gens, ce qui a finalement fait le succès du Club, au-delà de ses animateurs et de leurs pitreries : les dessins animés. Que de séries cultes diffusées dans le cadre de ce programme, que d’œuvres censurées, tronçonnées, mal adaptées, absolument pas respectées, car s’adressant soit disant à des enfants et donc ne méritant pas l’attention qu’on porterait à un film ou une série américaine.

Dorothée nous dit que son émission ne s’adressait pas aux tout-petits mais aux adolescents parce qu’elle s’adressait à ses téléspectateurs en les appelant « Les copains ». Mais pendant toutes ces années, j’ai eu une sensation d’infantilité devant ce programme, attendant désespérément ma part de dessin animé, entre deux idioties.

Monsieur Bernard Minet

Le plus fort, c’est que là où on aurait crié au machisme, si cela avait été des femmes, la misandrie du Club Do n’a jamais ému personne, bien au contraire. Jacky, Corbier et Patrick acceptaient toujours de passer pour les idiots de service : dans la plupart des « sketchs », ils se disaient forts, on les faisait passer pour des lâches, ils se disaient intelligents, on les faisait passer pour des abrutis, ils se disaient créatifs, on les faisait passer pour des auteurs calamiteux. Je crois que les meilleurs moments de l’émission furent quand « les trois héros du Club Do » étaient enfin normaux.

Goldorak, Dragon Ball (avec ou sans le Z), Les chevaliers du Zodiaque (Saint Seiya), Ranma ½, Max & Compagnie (Kimagure Orange Road), Ken le Survivant (Hokuto no Ken)… Des dessins animés cultes pour beaucoup se confondant hélas avec les années Club Dorothée. Arrêtons nous un instant sur Ken le Survivant et la polémique qui avait enflé autour de cet anime, tellement violent (têtes qui explosent, corps charcutés, femmes et enfants tués…). Derrière cet anime se trouvait surtout une critique acerbe d’une société mourante, de son humanité et la lutte d’un homme pour retrouver la femme qu’il aime. Evidemment, dans une émission jeunesse qu’on pensait destinée aux petits et pas aux «copains», les associations de parents se sont battu pour éliminer ce programme de l’antenne et ce n’est pas le doublage de Ken qui a vacillé dans le n’importe quoi qui a changé la donne. Ken finalement fut éliminé et nous n’eûmes jamais le droit d’en connaître la fin. Comme beaucoup de dessins animés d’ailleurs, car le Club Do était le roi de la déprogrammation sauvage. Quand vous débutiez une série, vous n’aviez aucune garantie d’en voir la fin.

Le dernier pan de toutes ces années, reste les séries AB Productions, qui ont peu à peu remplacées nos chers dessins animés, lardant le dernier intérêt de cette émission : « Salut les musclés », « Premiers baisers », « Hélène et les garçons »… Autant de « soap soupe », pas drôle, aux scénarios minimalistes et aux situations caricaturales, qui ont fini d’occuper tout l’espace. Avec la disparition de la Cinq, il n’y avait plus de concurrence réelle en matière de dessins animés, donc plus la peine d’aller chercher au Japon de quoi alimenter les programmes. On se reposait sur son stock et on rediffusait en boucle, censurant un peu plus au fil des diffusions, faisant toujours plus de place à la publicité. Enfin en 1995, fin du Club Dorothée, fin du massacre.

Vingt ans après sa naissance, Saint Seiya (Les chevaliers du Zodiaque) bénéficie enfin d’une version DVD en Version Originale Sous-titrée. Il a fallu pétitions, réclamations, supplications pour qu’enfin, ce programme soit considéré à sa juste valeur, une œuvre à part entière. Vingt ans après sa naissance, Dragon Ball ne bénéficie toujours pas d’une version DVD digne de ce nom, à part pour ces films. L’éditeur AB Productions prend son temps, continuant à nous prendre pour des imbéciles comme si nous n’avions pas assez été pris pour des idiots lors des années Club Do. J’ai un meilleur souvenir de Récré A2, comme si passé de la deux à la une, avait changé Dorothée. Audience, me direz-vous. Terrible audience qui finalement détruit tout.

Dragon Ball Z, Saint Seiya, Ken