L'affiche du filmSixième court métrage de Sébastien Lefebvre, Renaissance nous conte l’histoire d’une femme écrivain reconnue, ayant perdu le goût de l’écriture suite à la perte de son fils, Paul, noyé dans un lac proche. La jeune femme prie chaque jour pour le repos de son âme et apaiser sa propre conscience car elle se sent responsable du décès de son enfant. Rongée par sa disparition, elle a perdu le goût de l’écriture. Après une rencontre inattendue et un don précieux, la jeune femme retrouvera-t-elle cette flamme qui s’est éteinte ?



Ce très beau film prend, à première vue, un parti pris visuel assez abrupte (noir et blanc, aucun dialogue, impression de voir un vieux film avec poussières, craquelures et nombreux artefacts), la pellicule super 8 renforçant l’effet d’ancienneté. Visuellement et musicalement, l’illusion est parfaite. On a vraiment l’impression d’être dans un film des années 20.

Côté film : quelques imagesL’absence de dialogues donne ce besoin de voir l’image nous parler. Ainsi l’identité du mort nous est suggéré par une chambre d’enfant remplie de jouets mais vidée de vie. Le statut d’écrivain de la jeune femme est induit par cette table où elle tente de remplir des feuillets d’écriture et par cette bibliothèque, où on voit ce prix littéraire encadré.

 

Côté coulisses : Sébastien Lefebvre et son équipeUne image m’a frappé, lorsque que l’on voit la jeune femme se jeter à l’eau (on ne sait si l’évènement s’est réellement produit ou si c’est ce qu’elle aurait voulu faire, c’est-à-dire rejoindre son fils dans la mort) m’a étrangement rappelé Ring. L’atmosphère se révèle d’ailleurs assez étouffante, jusqu’à ce qu’un être vienne perturber un peu les ténèbres et éclairer la vie de cette femme en lui tendant cet objet qu’elle ne parvient plus à utiliser.

 

Renaissance est une histoire de résilience. L’héroïne du film a subi un traumatisme profond. Elle en prend acte, finit par l’accepter de vivre avec après une « révélation ». Ici le phénomène de résilience n’est en aucun cas entraîné par la parole mais par un cheminement intérieur induit par la prière. Le phénomène qui suit n’est pas non plus le fruit d’une réflexion car tout au long du film, on sent que cette femme vit avec cette souffrance et qu’elle pense en sortir par la prière. La libération se produit par la métaphore et l’illusion. Métaphore de la plume qui trempée d’encre redonnera le goût de l’écriture à la jeune femme, illusion d’une apparition mystique au pouvoir libérateur qui redonnera à la jeune femme la force de tout recommencer. Il faut noter que dans les années 20, la psychanalyse en était encore à ses balbutiements. Les hommes n’avaient donc que Dieu à qui exprimer secrètement leurs maux psychologiques.

 

Candice Barrada, actrice principale du filmRenaissance peut donc être sujet à plusieurs interprétations : au premier degré, ce court métrage sera vu comme un hymne à la foi, et la démonstration que Dieu vous viendra en aide si vous priez assez fort et assez longtemps. Mais le film a aussi un rapport très fort à l’écriture. Qu’est-ce qui peut faire que tout à coup vous ne parveniez plus à écrire, alors que vous étiez si prolixe ? Qu’est ce qui vous redonne la force et l’inspiration de l’écriture ? Car écrire peut devenir un véritable combat, quand la souffrance psychologique est la plus forte, entraînant procrastination ou aboulie. Enfin, le film est un regard, très pudique, sur la perte d’un être cher et la façon de continuer à vivre avec, même si la blessure ne se refermera jamais complètement.

Ci-dessous mon interview du réalisateur Sébastien Lefebvre :

Cébhi : Bonjour Sébastien, d’où t’es venue l’idée du film ?

Sébastien Lefèbvre : L’idée du film m’est venue alors que j’avais le syndrome de la page blanche. Je me suis mis à place d’un écrivain, puis au fur et à mesure sont venus les éléments de la perte d’un être cher. L’idée de l’ange est venue assez rapidement. J’ai toujours été attiré par le visuel et l’esthétique qu’apportent les églises. Du coup, l’ange s’est imposé de lui-même dans l’histoire. Il faut dire aussi que je disposai des décors et que j’avais toujours voulu y tourner un film. Mon idée s’est ainsi adaptée à ces décors qui me sont chers.

C. : Est-ce que d’autres films t’ont inspiré ?

S.L. : Un film en particulier m’a inspiré. Il s’agit de The Hours de Stephen Daldry, le passage concernant Virginia Woolf lorsqu’elle a écrit Mrs Dalloway. A partir de là, quand mon idée de scénario se faisait de plus en plus précise, il fût presque normal que l’action prenne place dans les années 20. D’ailleurs, on peut remarquer que mon personnage principal ressemble physiquement à Virginia Woolf.

C. : Pourquoi ce parti pris abrupte à l’image et au son ?

S.L. : J’avais envie de réaliser un premier film en pellicule. En autoproduction, la pellicule Super 8 est la plus abordable. A la base, le film était muet. Je voulais allier la musique avec l’image afin de faire naître l’émotion. Je trouve plus intéressant les images où naissent des émotions aux longs dialogues. Pour mon court-métrage précédent « Ma Décision est Prise », une partie du film était en noir & blanc et les images m’ont tellement plu que j’ai souhaité faire un film entièrement en noir & blanc. Comme l’action du film se situe dans les années 20, nous avons eu l’idée, avec mon chef opérateur Guilhem Touzery, de donner un rendu à l’image correspondant à celui des films muets en noir & blanc des années 20, la pellicule Super 8 le permettant. A la fin, tout concordait pour que le film prenne ce rendu.

C. : Quel est le message que tu veux faire passer à travers ton film, tes intentions ?

S.L. : Le message principal que je veux faire passer par l’histoire est qu’il ne faut jamais désespéré, ne jamais lâcher prise et toujours continuer, s’accrocher, persévérer malgré les épreuves que la vie nous impose. Ensuite, libre à chacun de croire qu’un ange gardien nous regarde et veille sur nous.

Ensuite mon intention est de montrer qu’il est possible de faire un film abouti avec une esthétique bien spécifique en disposant d’un petit budget et ainsi de prouver et d’imposer mon style visuel.

C. : Quelle a été la carrière de ton film ?

S.L. : Malheureusement, le film n’a pas eu une grande carrière jusqu’à présent. Considéré comme expérimental, les festivals sont réticents pour le diffuser. Une projection est prévue début Mai par l’association Le Film Pur à Paris.

C. : Quels sont tes futurs projets cinématographiques ?

S.L. : Actuellement, je travaille sur la préparation de mon prochain court-métrage « Et au milieu, une allée » avec mon producteur. Le scénario a obtenu le troisième prix au concours Sirar du Festival International d’Aubagne. Ce film sera mon premier produit et tourné dans de vraies conditions de cinéma.

C. : Quelle est ta vision du cinéma actuel ?

S.L. : A mes yeux, le cinéma se sépare en deux catégories : le cinéma pour faire de l’argent et le cinéma pour l’art. Il y a des films intéressants dans les deux et certains arrivent même à allier les deux.

En ce qui concerne le cinéma français, à mon avis il n’est pas assez diversifié. Beaucoup de comédie et très peu de films de genre ou de SF ou même de drame. Pourtant la France regorge de jeunes talents qui ne demandent qu’à s’exprimer. Des pays comme l’Allemagne ou l’Espagne font de plus en plus sensation à travers le monde. Je pense aux derniers succès de « La Vie des Autres », de « L’Orphelinat », du « Labyrinthe de Pan ».

C. : Que veux-tu y apporter ?

S.L. : J’aimerais faire connaître mon style visuel.

C. : Ton ou tes films références ?

S.L. : Je parle plus de réalisateurs que de films. Mes réalisateurs références sont Wong Kar-Waï, Jacques Audiard, Sofia Coppola, Jean Cocteau, Baz Luhrmann, Alejandro Amenabar, Ang Lee.

Site officiel de Sébastien Lefebvre : http://www.sebastienlefebvre.fr/flash/index.html

My Space de Candice Barrada : http://www.myspace.com/candicebarrada